La récente réforme des retraites a provoqué de nombreuses discussions sur le sujet du travail et mis en lumière les réticences de certains à utiliser le terme de « pénibilité ». En effet, depuis ces dernières semaines, le terme d’usure professionnelle semble se substituer au mot pénibilité. S’agit-il juste d’une histoire de vocabulaire ? Loin de là. Non seulement, ce n’est pas anecdotique, mais la réalité sémantique de ces termes cache même une réalité lourde de sens.
Dans le sujet qui nous occupe, à savoir le travail, et sans tomber dans un cours de français, à la question : « qu’est-ce qui fait l’objet de la pénibilité ? », on ne peut que répondre « le travail ». Mais si l’on pose la question : « qu’est-ce qui fait l’objet de l’usure ? », la réponse qui arrive, c’est… le corps, le corps du travailleur dans l’activité travail. Ainsi, le terme « usure professionnelle » fait porter la responsabilité de ce qui arrive au corps du travailleur quand la pénibilité fait porter la responsabilité de la difficulté au travail à l’activité travail. Les conséquences d’un tel raisonnement pourraient très rapidement engendrer d’autres biais, tels que : « comment t’occupes-tu de ton corps ? » « Est-ce que, si tu ne sais plus effectuer ce travail à 50, 55 ou 60 ans, ce ne serait pas de ta responsabilité, car tu n’as pas pris soin de ton corps (puisque le travail n’y est pour rien…) ? ». Il suffira alors de trouver une personne qui arrive à faire encore le même métier au même âge, 60 ans par exemple, pour pouvoir dire : « Tu vois que le problème, c’est toi puisque cette autre personne sait encore pratiquer ce travail et n’est pas en difficulté ? ».
La réalité est que, face à la pénibilité d’un travail (car, oui, c’est le travail qui est pénible), effectivement les corps ne réagissent pas de la même façon, la plupart du temps pour des raisons indépendantes de la volonté du travailleur (hérédité, génétique, conditions de vie…).
Par ailleurs, si la pénibilité touche en premier lieu les conséquences du travail sur le « corps » (ce sont ces 10 critères que portait le Compte Personnel de la Prévention de la Pénibilité, dit C3P, à l’origine en 2015, réduit à 6 critères dans le Compte Professionnel de Prévention, dit C2P, par les ordonnances dites « Macron » en 2017), il faut noter que, dans l’un comme dans l’autre, les risques psychosociaux liés aux conditions de travail y étaient absents. Sur ce sujet, le vent de contestation contre la réforme des retraites a permis de porter l’attention sur les piètres conditions de travail en France, comme le montre la dernière enquête Eurofound « European Working Conditions Survey » (EWCS) : « C’est aux Pays-Bas que la qualité des conditions du travail est la meilleure parmi les pays étudiés. Suivent d’assez près l’Allemagne et la Suède. En France, la part de chaque catégorie décrivant les conditions du travail en 2021 est plus défavorable que celle de la moyenne de l’UE à 27 (à l’exception de la catégorie « pauvrement dotés » pour laquelle les parts sont identiques). Elle est la plus mal classée des pays étudiés. ». Les conditions de travail incluent le management et il est désormais urgent de s’emparer de ce sujet.
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